J'ai enfin mon Chevrolet G7107

Salut les jeepers,

Dans notre imaginaire jeepiesque, il y a toujours un rêve d’acquisition que nous caressons sans savoir réellement si celui-ci deviendra un jour réalité. Dans mon cas, c’était de posséder un camion Chevrolet G7107 de la Seconde Guerre mondiale et ce rêve vient tout juste de se réaliser.

En effet, un collègue collectionneur des USA m’a mis en octobre dernier sur la piste de Arthur Porter, un résidant demeurant à l’extrême sud-est de l’état du Maine, qui désirait vendre son « Chevy truck ». Après une première rencontre avec ce rude gentilhomme à la retraite ayant passé sa vie comme pêcheur côtier, le marché était conclu crachat à la main mais restait-il encore à venir chercher ce camion qui était à plus de 1 000 km de l’endroit où je voulais le rapatrier. Après discussions avec lui, la journée du 27 décembre dernier était retenue pour réaliser ce formidable « rescue » qui dorénavant entre dans la légende des collectionneurs de véhicules militaires antiques du Québec et dont la libido Olive-Drab est toujours à son maximum sans jamais être assouvie.

La veille de cette journée mémorable, c'est le départ en avant-midi depuis la ville de Trois-Rivières à destination de Notre-Dame-du-Lac, ce petit village de la région du Témiscouata dans l’est de la province de Québec, pour aller rejoindre notre copain collectionneur François Cliche. Pour l'occasion de ce rescue, Sylvain Daigle, un autre copain collectionneur qui lui possède notamment un Chevrolet CMP C15A, s'est joint à nous pour prêter main-forte mais également parce-qu’il ne voulait surtout pas manquer l’occasion de se tremper à nouveau dans la franche camaraderie de « l’Olive Drab spirit ». Le fait d’aller rejoindre François à Notre-Dame-du-Lac visait à rencontrer deux objectifs bien précis, celui d’emprunter le camion appartenant à son beau-frère Émilio, ainsi qu'une remorque à trois essieux, pour pouvoir transporter la bête depuis les USA jusqu'à Canada, mais également parce-qu’il était plus facile pour nous de passer par la province du Nouveau-Brunswick pour se rendre dans le petit village de Machias dans l’état du Maine.

Lors du souper du vendredi soir, la nervosité était palpable car la météo ne s'annonçait pas terrible pour le lendemain. Nous évoquions également toutes sortes de scénarios pour embarquer ce Chevrolet sur la remorque car nous redoutions que la distance qui sépare les ailes de la remorque empêchent de glisser entre elles le train arrière du Chevrolet. Certains diront que nous n’avions qu’à enlever les roues extérieures du pont arrière et que le tour aurait été joué facilement. Il faut toutefois rappeler que ce Chevrolet était à l’extérieur depuis quelques temps déjà et que le système de boulonnage à bouteilles, appelé en anglais « Bud-Wheel type », cause souvent des problèmes lorsque vient le temps de déboulonner les roues, surtout s’il y a de la rouille. Les propriétaires de camions de la Seconde Guerre mondiale savent de quoi je parle. Qu'à cela ne tienne, François a toujours une solution à nous proposer si bien que nous sommes allés chercher des blocs de bois carrés de bonnes dimensions pour hisser au besoin le derrière du Chevrolet au-dessus des ailes de la remorque.

Après une très courte nuit, ne pouvant évidemment pas trop dormir tant nous étions fébriles de partir pour cette nouvelle aventure, nous nous sommes levés à 6h00 pour attaquer cette journée que nous savions d'ores et déjà qu'elle serait assez longue et ardue. Rapidement habillé et sorti de la maison, nous constations qu’effectivement la température ne serait pas clémente avec un début de tempête de neige et un thermomètre qui oscillait à près de -20° C. Toutefois, pour nous Canadiens qui sommes habitués à cette température, il ne nous fallu pas plus d'une heure pour arrimer la remorque au camion, faire les vérifications mécaniques et électriques d'usages, embarquer tous les outils nécessaires et nous mettre en route vers les USA. Peu après notre départ, nous nous sommes tout de même arrêté une bonne demi-heure pour prendre un bon déjeuner du côté du Nouveau-Brunswick et réviser le plan de match pour cette journée que nous savions fatigante avant même de l'avoir réellement entamée.

En effet, pour nous rendre au petit village de Machias dans l'état du Maine, il nous fallait parcourir pas moins de 500 km sur des routes enneigées avec une température qui alla de mal en pis au fur et à mesure que nous approchions de la côte atlantique. Arrivé au poste frontière des USA, première inquiétude. En effet, les gardes frontières nous ont retenu une bonne demi-heure et nous avons du leur expliquer de long en large pourquoi nous allions aux USA, pourquoi trois types venant de trois régions différentes du Québec passaient par le Nouveau-Brunswick pour aller aux USA, cela a semblé apporter certaines craintes aux agents frontaliers. C’est malheureux mais mais disons-le, les autorités américaines deviennent peu parano et il aurait été inutile de leur dire que mon ancêtre, venu de la région de la Bretagne au début du 17e siècle avec le premier contingent militaire français, est arrivé parmi les premiers sur le continent nord-américain. Finalement, après avoir complété les formulaires d’usages, ils nous ont laissé passer sans plus de problèmes mais ce délai s'ajoutait au retard que nous avions accumulé à cause du mauvais temps.

Enfin, après un peu plus de 90 kilomètres sur la route côtière numéro 1 de l’état du Maine, nous sommes arrivés à 15h00 chez Arthur Porter dont la maison se situe sur les rives du Lac Gardner. Par beau temps, c’est un endroit de rêve et l’opération d’embarquement aurait été un jeu d’enfant en période estivale voire même en automne.  Mais là, il commence à se faire tard, la pluie nous tombe dessus comme vache qui pisse car la température est maintenant à près de 10 oC et la noirceur tombe rapidement à cette époque de l’année.


Sylvain et François en compagnie d'Arthur, l'ancien propriétaire


Fatigués mais heureux

Après plus de trois heures à embarquer ce Chevrolet, à effectivement mettre les blocs de bois pour hisser son train arrière au-dessus des ailes de la remorque comme nous le redoutions et à l'arrimer solidement, nous nous mettons enfin en route pour le retour au Canada.

Dès le départ, la température est alors retombée à un peu moins de 0 oC et ça patine tant la route est glacée. Le camion s'immobilise au bas d’une montée à très faible pente et une chance que Arthur Porter avait dans sa camionnette un bac de sable si bien qu'il nous a été possible de redémarrer sans trop de problème. On a eu tout de même eu chaud pendant quelques minutes. Une fois en route, la route est épouvantable. Les ornières de neige, de slush et de glace se succèdent et ça patine constamment. Il nous faut une bonne heure et demi pour revenir au poste douanier mais là, quel bonheur, tout se passe sans difficulté et le transfert du camion Chevrolet se fait sans aucun souci administratif… OUF! Je craignais que cette procédure me cause des ennuis car autant cela peut bien se dérouler, autant il peut y avoir de nombreuses tracasseries douanières. Et bien non, faut croire que la pluie et le mauvais temps ont rendu les gardes frontières frileux si bien qu’ils n’ont pas été intéressés à aller inspecter ce « Old truck » sans intérêt... Ha, ha, ha!!!

Une fois au Canada, nous avons commencé à mieux respirer et nous avions alors l’impression, pour la toute première fois depuis le matin de notre départ, que toute cette aventure allait bien se dérouler malgré les intempéries. Toutefois, avant d’entreprendre ces derniers 400 kilomètres qui nous séparaient de la maison à François, la faim s’est sérieusement fait sentir mais à cette heure là, dans le village côtier de St-Stephen au Nouveau-Brunswick et en plein hiver de surcroît, il n’y a pas proprement dit de bons restaurants, tout juste deux ou trois chaînes de fast-food. Il faut dire qu'il était à ce moment là 19h30 et que nous n'avions avalé qu'un petit déjeuner au petit matin. AHHHHH Le hamburger du restaurant A&W de l’endroit n'a jamais été aussi bon et la chaleur intérieure du restaurant nous a permis de nous réchauffer un peu tant nos vêtements et nos bottes étaient mouillés. Une fois le repas englouti en moins de 30 minutes, nous nous sommes remis en route à destination du Québec avec l’énergie que nous procure la vue prochaine de l’oasis et du havre où il nous serait enfin possible de se reposer.

Le parcours fut terriblement fatigant, notamment sur la route secondaire numéro 3 entre le village de St-Stephen et l’autoroute numéro 2 qui traverse le Nouveau-Brunswick du sud au Nord, tant la température était mauvaise et cela nous a valu une bonne frousse à un moment donné. En effet, à la descente d'une côte totalement glacée, nous avons légèrement perdu le contrôle avec l’effet que la remorque a eu la tendance à se plier en porte-feuille contre-nous. Le sang-froid de François a toutefois fait en sorte qu’il a reprit rapidement le contrôle mais il s’en est fallu de peu avant la catastrophe. Se sentant par la suite fatigué, on le comprend, j'ai pris le volant pour faire les derniers 350 kilomètres sur une route qui ne nous a pas fait de cadeau jusqu'à la toute fin. Enfin arrivée à Notre-Dame-du-Lac à 3h00 du matin, Oui, Oui!! vous avez bien lu, notre peine n'était pas terminée. La glace avait rendu les rues du village totalement impraticable si bien que nous sommes restés immobilisé à moins de 500 mètres de la maison à François. Il est alors parti à pied, de peine et de misère tellement c'était glacé, pour aller chercher son tracteur et amener un peu de sable pour nous permettre d'avancer à nouveau et d’aller nous garer de façon sécuritaire.

En guise d’épilogue, nous sommes rentrés à la maison à 4h30 du matin si bien que nous avons accompli ce rescue en 22h30 sans arrêt. Nous étions fourbus mais heureux. Le temps d'une petite soupe et d'un verre de vin pour fêter la fin de cette aventure, nous avons pris le chemin de nos lits respectifs et le dodo fut lourd et profond tant nous étions fatigués. L’adrénaline de la veille n’étant pas totalement évacuée malgré le fait que nous étions dorénavant de retour au bercail, la nuit fut malgré tout de courte durée et dès 11h00 le dimanche matin, nous étions habillés et commencions à travailler sur mon Chevrolet.


Un aperçu de transport


Lise a collé un chou de Noël sur mon camion.

Je peux vous affirmer que j’ai fait l’acquisition d’une belle pièce qui va être assez facile à reconstruire. Il y a bien un peu de travail de carrosserie, de mécanique et d’électricité à y faire pour lui redonner son lustre d’antan mais ce n’est rien comparativement aux carcasses de jeeps Willys, Ford et autres véhicules militaires antiques que nous avons l’habitude de récupérer ici au Québec. Mais ça, c’est une autre histoire qui viendra dans les mois à venir.


François en train de déblayer la neige avec son tracteur


un premier ménage de l'intérieur s'impose


Descente du camion près du garage à François


Les travaux commencent


C'est l'histoire de sa vie, toujours en dessous d'un véhicule militaire


Avec un bon équipement, on ne force pas.


La bête retrouve ses allures d'antant


Même histoire pour Sylvain, toujours en dessous


Ça paraît pire que ce ne l'est en réalité


La couleur OD d'origine apparaît par endroit

Guy Bordeleau aka M38CDNBill

Suite de l'article : La restauration

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